QUELQUES DATES DANS UNE VIE

 

1933 : C’est à Saint-Hilaire-du-Maine (Mayenne), dans la maison en pleine campagne où je demeure encore, que je suis né, le 11 août. Malgré une vraie proximité avec ma mère, mon enfance a été plutôt solitaire, vouée dans les jardins à l’observation de la nature, ou à l’intérieur au dessin avec crayons de couleur. Ma mère m’ayant, non sans mal, appris à lire, je suis entré à l’école laïque du village un peu avant mes sept ans. Plus tard, mon instituteur est devenu un ami.

1945 : Le 13 mai, je perds ma mère. J’ai onze ans et demi. C’est l’événement le plus marquant de ma vie ! Je m’étais alors lié avec l’enfant de la ferme voisine, ce qui m’a fait passer des jardins à l’univers agricole. Jusqu’à vingt ans j’ai participé à tous les travaux de la ferme et lorsque j’ai commencé à écrire j’ai su quel enrichissement cette pratique m’avait apporté.

1953 : À cause de l’Occupation, mes études secondaires avaient commencé par correspondance, c’est à dire très mal. Après un an au Lycée Michelet à Vanves et huit ans au Lycée de Laval, enfin nanti du baccalauréat (« philo »), je m’inscris cette année-là à la Faculté de Droit de Paris. Quatre ans plus tard, naissance de mon fils.

1958 : J’envoie un petit texte à Jean Paulhan chez Gallimard. Sa réponse est favorable, il me présente à Georges Lambrichs, qui est d’accord pour envisager un livre ; « maintenant il faut l’écrire », dit-il.

Ayant terminé mes études de Droit, j’abandonne la Préhistoire malgré l’intérêt que les cours d’André Leroi-Gourhan ont fait naître. Réformé, j’évite la guerre d’Algérie en même temps que le service militaire. Je commence alors à travailler dans l’entreprise familiale et deviens, sans goût pour la profession mais à cause des libertés qu’elle me laisse, Fermier de droits communaux, comme mon père et son père.

1960 : En juillet, Jean Paulhan m’offre une première publication dans la NRF : ce bref récit sera repris l’année suivante dans L’Amitié des abeilles. C’est mon premier livre, sept nouvelles publiées chez Gallimard dans la collection « Jeune Prose ».

 

1965 : Avec la parution de L’Érosion intérieure, j’entre dans le cercle des auteurs de la collection « Le Chemin » que Georges Lambrichs dirige chez Gallimard. Il ne s’agit pas d’une école, G. Lambrichs se veut œcuménique, mais le fait que nous nous lisions les uns les autres est un soutien. J’approche ainsi Michel Butor, J.M.G. Le Clézio, Michel Deguy, George Perros, Jacques Borel puis Michel Chaillou, plus tard Gérard Macé et bien d’autres, comme Paul Oster ou Henri Thomas… Certains deviennent des amis, et le sont resté ! Pendant une dizaine d’années, je serai un assidu des « réunions du Chemin », comme de la revue Les Cahiers du Chemin, dont je participe au lancement et où je publierai régulièrement.

1968 : La naissance de ma fille m’occupe plus que les événements de mai. En novembre, mort de mon père. La tristesse s’accompagne d’un surcroît de travail pour conserver l’entreprise. Je publie quand même Paroles de laine l’année suivante.

1971 : Publication de mon premier livre pour enfants, Les Graines d’hommes. Il sera suivi de sept autres titres, avec des illustrateurs différents, tous sauf un publiés par L’école des Loisirs.

 

1975 : Publication de L’Ancolie, livre pour lequel je reçois le Prix des Critiques.

1977 : Une année importante à plus d’un titre. Afin de m’aider à sortir d’une période douloureuse, Michel Chaillou m’entraîne à Saint-Véran dans le Queyras. Je découvre la montagne l’été, sa flore surprenante, et fais la connaissance du jeune berger grâce auquel je pourrai écrire Ouailles après un troisième séjour, en 1990, sur les pentes qu’il fait paître.
Georges Lambrichs me demande d’être au sommaire la NRF dont il vient de prendre la direction. Le texte est publié en septembre, entre Beckett et Kafka !
Je rencontre Alain Trutat qui me propose de bâtir une série d’émissions à partir de mes nouvelles pour L’Atelier de Création à France Culture. Ce sera Paroles et écrits du bocage, dix heures qui seront diffusées en 1979.
Enfin, alors que je n’écoutais que du jazz depuis longtemps, je me tourne vers la musique de chambre (une aide bienvenue pour supporter les heures quotidiennes de comptabilité…)

1980 : Georges Monti qui a fondé la maison d’édition Le temps qu’il fait me propose de publier une suite de textes parus dans la NRF, accompagné de photographies. Le petit livre Inventaire des outils à main dans une ferme sort l’année suivante. J’ai beaucoup photographié la campagne depuis les années cinquante, mais ce sont mes premières photos éditées !

 

Le premier livre au Temps qu'il fait

 

1981 : Je publie mon cinquième recueil de nouvelles chez Gallimard, Des cours d’eau peu considérables, et Michel Deguy me demande un texte pour Po&sie. Depuis cette première livraison, je collabore régulièrement à sa revue.

1982 : Retour à la radio ! Alain Trutat m’ayant fait rencontrer Claude Mettra, celui-ci m’offre d’inventer une série pour Les chemins de la connaissance à France-Culture. Ce sera Le petit jardin. Suivront La chanson de l’oiseau, une série sur les enregistrements faits dans le monde entier par Jean-Claude Roché – pour L’Atelier de Création d’A.Trutat – et Des jardins dans l’autre hémisphère, avec le jardinier paysagiste Gilles Clément (1993).
Paul Otchakovsky ayant proposé aux auteurs de sa maison d’édition (P.O.L.) et à quelques autres, de créer une association littéraire pour organiser des lectures publiques et faire connaître la littérature contemporaine, l’ADILC (Association pour la Défense et l’Illustration de la Littérature Contemporaine) voit le jour. J’en serai l’un des animateurs pendant cinq ans, sous la présidence de Michel Chaillou puis de Michel Deguy.

1987 : Publication de Tardifs instantanés (Gallimard), premier livre d'exploration de la mémoire.

1988 : Très attaché à ma maison natale, je passe toujours le plus de temps possible à la campagne. Néanmoins, depuis la fin des années cinquante, j’ai fait beaucoup de brefs séjours en Espagne, un voyage en Crête et plusieurs en Italie. J’ai aussi découvert le Maghreb (Tunisie et Maroc). Simples vacances… Et voilà qu’en mai de cette année, je décide de partir en train, seul, pour la Russie. Mon périple ne dure que vingt-quatre jours, au cours duquel je circule souvent à vélo. Mais il en sortira un récit, Campagnes de Russie, publié chez Gallimard (1989) et un recueil de photographies, Images de la terre russe, édité par Le temps qu’il fait (1990). La photo va désormais occuper une place croissante à côté de la littérature.

 

1989 : Publication par Le temps qu’il fait de Territoire, qui articule textes et photographies. Ce sera un jeu de plier par la suite, dans la forme choisie par G. Monti, les projets variés qui suivront (d’Archéologie des feux en 1993 à Trouvailles en 2014).

1992 : Grâce à Philippe Arbaïzar, la BPI du centre Pompidou présente une soixantaine de mes clichés sous le titre La Campagne de Jean-Loup Trassard. L’accrochage dure trois mois. Cette même année, je rencontre aussi Bernard Lamarche-Vadel, critique d’art et ami regretté, qui me présente à Jacques Barbier et Caroline Beltz. Trois expositions suivront dans leur galerie parisienne dont Les Derniers Paysans, imitation de scènes agricoles avec mes jouets d’enfant, en 1994.

1993 : Publication de L’Espace antérieur (Gallimard). Sur proposition des bibliothécaires, Martine et Jacques Mathien, le parrainage de la Bibliothèque intercommunale de Mayenne m’est offert. Un parrainage actif !

1995 : Publication de Nous sommes le sang de cette génisse (Gallimard).
Un projet développé en collaboration avec Jean-Philippe Reverdot, photographe devenu un ami depuis que Bernard Lamarche-Vadel nous a rapprochés en 1992, aboutit à Tumulus, qui sera édité l’année suivante par Le temps qu’il fait.

1997 : Je propose à France-Culture de produire une série sur Robert Marteau dont j’admire beaucoup les livres. À voix nue (cinq fois 26’) est diffusé du 30 juin au 4 juillet 1997.

Première présentation d’une nouvelle exposition : Carnet d’un voyageur, paysages miniatures en noir et blanc.

 

 

1998 : À la suite de la proposition lancée par Le Conseil municipal de St Hilaire-du-Maine de réaliser un petit livre sur notre campagne, une sorte de monographie ethnologique, nous fondons, grâce à Christian Quinton, le maire, et à quelques personnes des villages voisins, l’association Mémoire rurale au Pays de l’Ernée – qui malheureusement n'a pas poursuivi ses efforts jusqu'à l'aboutissement du projet.

1999 : Arlette Bouloumié organise à l’Université d’Angers le premier colloque international sur mon travail littéraire et photographique.

2000 : Naissance de mon premier petit-fils, Félix. En septembre paraît mon premier roman, Dormance, dont l’écriture a pris cinq ans. Cette année voit aussi la parution en recueil des photographies de l’exposition Les Derniers Paysans (Le temps qu’il fait). En décembre, après quarante et une années d’activité comme concessionnaire de foires et marchés, je mets fin à l’entreprise familiale.

2003 : Naissance de mon second petit-fils, Gustave. Publication de La Composition du jardin (Le temps qu’il fait) et première présentation d’une nouvelle exposition : Le Crépuscule des fermes. L’association Atmosphères 53, ciné-club départemental, me propose d’être cette année le président du festival « Reflets du cinéma ». J’en suis depuis devenu le président d’honneur. En décembre de cette année, j’arrête l’élevage des bovins entretenu à grands frais depuis trente-cinq ans.

 

 

2004 : Publication d’un second roman, bâti à partir de souvenirs qui remontent à 1940, La Déménagerie (Gallimard). Et première présentation d’une nouvelle exposition, Juste absente, évocation de ma mère.

2005 : Publication de Nuisibles (Le temps qu’il fait) et participation à La photographie en parallèle, exposition collective à la MEP, Paris. L’année suivante, l’exposition Carnet d’un voyageur est partiellement reprise pour illustrer Le Voyageur à l’échelle (Le temps qu’il fait).

2008 : Première présentation de l’exposition Petits Cailloux, autour des jouets de mon enfance et publication de Sanzaki (Le temps qu’il fait). En mars, présentation de l’exposition Juste absente à la Maison Gueffier de La Roche-sur-Yon. En avril, publication de « Casquettes » dans le dernier numéro de la revue Le Mâche Laurier. En octobre, lecture-rencontre à l’association Littérature & poétiques de Saumur. En novembre, publication d’un texte accompagné de photographies, « Les arbres de la famille », dans un numéro spécial de la revue des pays de Loire 303. Arts, Recherches et Créations.

2009 : En janvier, exposition de photos (Territoire) et rencontre littéraire à Niort. En avril, publication de « N’être » dans le premier Cahier Jacques Lacarrière. En mars-avril-mai, interventions au Collège du Val d’Huisne (Le Mans), dans le cadre d’un projet piloté par la Maison des Écrivains et l’Éducation Nationale (À l’école des écrivains. Des mots partagés). En décembre, publication dans Po&sie du récit « Un jour qui était la nuit ».

2010 : En février, publication au Temps qu’il fait d’Eschyle en Mayenne. En mars, publication d’un un article contre la destruction de bocage, « Halte au massacre ! », dans Maine-Découvertes. Les 30 et 31 mars, participation aux rencontres organisées par le Salon du Livre à Paris. En novembre, je suis invité par le professeur Pierre Schoentjes de l’Université de Gand à répondre aux questions de ses étudiants. J’ai le plaisir de nouer avec lui une relation vraiment amicale. Je profite aussi de l’occasion pour visiter la ville. Fin novembre, je suis à Metz pour participer au jury d’une soutenance de thèse à l’Université Paul Verlaine (Mme F. Daumazane sur Ramuz).

 

2011 : Cette année là, pour diverses rencontres, je me suis rendu à Nantes (Le lieu unique), à Rennes (Maison de la Poésie) et à Saumur (La Maison des Littératures). Au mois de mai est paru un numéro hors série de la revue 303 (pays de la Loire) où j’ai publié des photographies en couleur et en noir et blanc, royalement accompagnées par un article de Pierre Campion et par une interview de Catherine Le Pan de Ligny. En août, publication de « Flaques » dans la revue Po&sie de Michel Deguy, qui consacre un numéro entier à notre ami Robert Marteau récemment disparu.

2012 : En mars, publication de L’homme des haies chez Gallimard. Sur proposition de mon ami Jean-Baptiste Para d’écrire pour le numéro 1000 de la revue Europe, publication en août d’un texte intitulé « Marlène » (ou, plus précisément, « Pourquoi je ne suis pas devenu l’amant de Marlène Dietrich »). Les 8 et 9 septembre, présence et quelques signatures au Mans à l'occasion de la 25e heure du livre. Puis, le 13 octobre, lecture au concert-spectacle TerreEau organisé à Mayenne (Le Grand Nord) par Annie Dissaux, artiste numérique et metteur en scène, et Ivan Bellocq, musicien, compositeur. Une création autour du texte Des cours d’eau peu considérables. En octobre toujours, parution au Temps qu’il fait de Causement, sur le patois mayennais. Puis, les 18-19-20, participation au colloque organisé par Dominique Vaugeois à l’Université de Pau et consacré à mes ouvrages (JLT, une ethnologie poétique). À la mi-novembre, brève intervention dans un autre colloque (Le roman rustique animalier), à l’Université Paris 3 Sorbonne nouvelle.

2012-2013 : L’Homme des haies est récompensé successivement de quatre prix : le prix de la Société des Gens de Lettres, le prix du Musée de la nature et de la chasse, le prix « Ouest », et le prix Maurice Genevoix offert par l’Académie Française.

2013 : Un accord est trouvé avec la Bibliothèque nationale de France et son président M. Bruno Racine, pour recevoir mes archives littéraires (dans un premier temps) et photographiques (ultérieurement). En novembre, dans le cadre des Lundis de l’Arsenal organisés par la BnF, une rencontre est organisée à la Bibliothèque de l’Arsenal (Paris), autour de mes textes. L’entretien est conduit par Dominique Vaugeois, Maître de conférences à l’Université de Pau, la lecture faite par Michel Robin de la Comédie Française.

2014 : En juin, L’homme des haies est publié en Folio par Gallimard. Le 17 octobre a lieu l’inauguration d’une exposition de photos à l’abbaye de Flaran, Centre Culturel du Gers, près d’Auch. Pour les assembler sous le titre Mayenne intime, j’ai choisi 70 photographies en noir et blanc parmi les ensembles nommés Territoire et Le crépuscule des fermes. Elles resteront exposées jusqu’à la fin mars 2015.

2015 : Publication de Neige sur la forge, un récit bâti sur l’interview d’un forgeron réalisée en 1975 ! Ce texte comprend assez peu de citations, je l’ai plutôt « inventé » à partir des explications techniques données par l’artisan.

À côté du stylo et de l’appareil photographique, je continue à manier serpe et faucille dans les chemins et les prairies.