L'ESPACE ANTÉRIEUR
Gallimard, 1993.
216 pages, 140 x 205 mm.
Prix France Culture 1994.
4e de couverture :
Vos souvenirs ? les miens ? peu importe. Qui n’a été enfant ? Qui ne connaît ces éclosions en surface de la mémoire d’images montées du fond, lumineuses, étonnamment précises quoique assiégées de flou, silencieuses ?
Si vous capturez ces images, entreprenez par exemple de les retenir par l’écriture, les armoires du fond demeurent entrouvertes, et la mémoire, sorte d’étang obscur, s’agite, laisse affleurer d’autres images qui, une à une, se détachent du passé, traversent l’opaque, doucement surgissent, aujourd’hui s’imposent à la rêverie.
Filées en lignes d’écriture, assemblées, ces petites scènes peu à peu étendent l’espace d’autrefois sous les pas d’une enfance, le distribuant en chambres, jardins, cours de ferme, petites routes. Et là, sur chaque page à écrire d’abord, puis à lire, s’ouvre un temps de lenteur perdue. Au moment où la vie si dangereusement accélère, tremblent, encore pénétrables, des après-midi d’été qui paraissent infinies.
Oubliées à peine, ces dimensions de l’espace et du temps ne sont pas aussi révolues qu’il semblait. Voyez plutôt : demain est escalier qui accède au jardin d’hier.
JLT
Aperçu :
Une motte venait d’atterrir dans le jardin, j’ai vu le rose le gris beaucoup de feuilles dressées, du rose qui se montrait et cachait derrière le gris des planches, d’autres mottes, mais toutes ne franchissaient pas notre grillage, la campagne était silencieuse, il se tenait derrière son portail de jardin, j’ai lancé aussi quelques mottes, lui s’abritait sous ce bouclier à claire-voie, moi j’avais au-dessus du talutage bas un rang de grillage tendu sur piquets qui brisait les mottes en poussière. Entre ces deux rives le chemin creux menant de sa cour aux champs où quelquefois un attelage piétinait lourdement, hautes roues du tombereau à frôler de chaque côté la haie. Les mottes volaient par dessus ce vide.
Feuilleter L’Espace antérieur sur le site des éditions Gallimard…
Critique & Entretiens :
- Catherine Le Pan de Ligny, Recueil, n° 30, mars-mai 1994 :
Sa phrase, légère et impressionniste, avance en équilibre sur le souffle ténu de l’émotion et se déplie au gré des hésitations du souvenir. Il s’approche au plus près sur le terrain fuyant de sa propre mémoire et ce sont nos souvenirs à nous, depuis longtemps fossilisés, qui soudain s’ébranlent et s’animent.
- Sylvestre Naour, « Jean-Loup Trassard : le temps retrouvé », Le Courrier Picard, 8 mars 1994.
- Georges-Henri Gourrier, « L’enfance revisitée », L’Indépendant, 4 février 1994.
- Didier Pobel, Le Dauphiné Libéré, 17 janvier 1994.
- Jean-Noël Pancrazi, « L’enfant naturel », Le Monde, 16-17 décembre 1993 :
Grâce à l’extrême souplesse de la phrase, à la limite de la poésie – l’ordre des mots étant souvent inversé pour mieux en épouser le mouvement –, Trassard parvient à nous rendre palpable, par exemple, le voyage des draps du lavoir où ils étaient rincés vers le potager où on les séchait avant qu’ils ne reviennent aux armoires usées.
- Christian Signol, Le Populaire du Centre, 2 décembre 1993.
- Patrick Grainville, « Le veilleur des fermes », Le Figaro, 18 novembre 1993 :
Il y a une écriture Trassard, pure et subtilement déstructurée, accumulant des impressions grâce à des ellipses d’articles, des permutations de vocable. On ne tombe jamais dans le maniérisme. La perception est là, entière et bousculée dans le mouvement de la phrase qui en poursuit la synthèse vivante. Écriture concrète comme un travail de couture, de menuiserie.
- Nicolas André, La Voix du Nord, 18 novembre 1993.
- Gérard Bodinier, « Jean-Loup Trassard : comme une larme d’étoile », Le Provençal, 14 novembre 1993.
- François Billy, « Les enfances de Trassard », Le Dauphiné Libéré, 11 novembre 1993.
- Agnès Vaquin, « Enfance », La Quinzaine Littéraire, n° 634, 1er-15 novembre 1993.
- Catherine Argand, « Les traces de l’enfance », Lire, novembre 1993.
- Paul Ardenne, Art Press, n° 185, novembre 1993.
- Jean-Maurice de Montrémy, « Le balancier du souvenir », L’Express, 28 octobre 1993.
- François Simon, « Jean-loup Trassard, le chant léger de la terre lourde », Ouest-France, 26 octobre 1993.
- Lucien Guissard, « Jean-Loup Trassard et Jacques Brosse en retour aux origines », La Croix, 24-25 octobre 1993.
- Jean-Pierre Siméon et Hervé Micolet, « Le vert paradis… », L’Humanité, 13 octobre 1993.
- Alain Favarger, « Jean-Loup Trassard remonte tout le fil de son enfance », La Liberté (Fribourg), 9-10 octobre 1993.
- Olivier Barrot reçoit JLT pour L'Espace antérieur, « Un livre, un jour », France3, 6 octobre 1993.
- Pierre Gamarra, « L’Espace antérieur », in Europe, n° 774, octobre 1993, p. 186-188.
- Jean-Louis Ezine, « Le chasseur de rêves », Le Nouvel Observateur, 30 septembre 1993.
Étude :
-
Sylvie Camet, « La technique du souvenir d’enfance dans L’Espace antérieur de Jean-Loup Trassard », in L’Écriture du bocage : Sur les chemins de Jean-Loup Trassard, Angers, Presses de l’Université d’Angers, 2000, p. 53-72.