PETITE PROMENADE LITTÉRAIRE...
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Des lèvres il aspire les petites jacinthes fraîches qui s’élancent et sur le tapis desquelles il se roule, enivré par l’impossibilité de garder leur parfum contre lui. Jacinthes drues et craquantes. Aux plus jeunes, qui n’ayant pas amorcé la retombée de leur grappe se tiennent pointe droite, il fait grincer entre ses doigts les fleurs encore un peu vertes, serrées en grains et qui poussent un cri, comme le grand capricorne quand on le saisit à la taille. Quelques tiges brisées laissent couler une sève transparente et visqueuse. Il ramasse ses vêtements de velours et sa chemise, roulés en une seule boule qu’il frotte sur son corps de façon très succincte. Il court dans le chemin.
Pâques noires
Ce qui ne peut manquer d’être vrai c’est qu’elle montait parfois sur son dos. Et le taureau ne bougeait pas. L’été, elle était sous sa robe nue comme toutes les fermières, le poil bourru du mâle était contre son corps, et la sûre chaleur animale. Elle se balançait quelque peu. Une fois au moins elle n’avait pu se retenir d’uriner, traçant des rigoles sur le pelage plus sombre d’être mouillé. Le tabouret à trois pieds qui servait pour la traite était la première marche vers cette fête silencieuse.
À la Queucherie, le filet d’eau sert pour ainsi dire de limite, encore que la clôture soit droite et que le ruisseau, tout méandres, passe d’une prairie dans l’autre, tantôt chez Fernand, tantôt de l’autre côté sur Fourboué. C’est là qu’elle était, dans l’eau, ou du moins dans le lit du ruisseau, épaules nues tant couvertes par les cheveux j’creuyais bintôt qu’ça ‘tait eune bête… une fourrure luisante au soleil printanier, mais non, hop sous le fil de fer, seins pointus qui bougeaient, la voilà par les saules cachée, plusieurs touffes renaissent là-bas : les feuilles pâles, les yeux, ça se mélangeait, le Fernand a su qu’elle guettait.
Une vache meugle comme si les mâles n’avaient été muettement avertis, même la nuit, de son désir. Les veaux de cinq mois tètent et cognent du front le pis sous lequel ils se sentent braves, indifférents à ce qui agite les mères, les génisses, les jeunes mâles combatifs, énervés, qui ne pâturent qu’à regret. Ur affirme son règne par sa lenteur même. Lèvre du haut troussée, il mesure dans l’air si le moment est propice, reste épaule contre cuisse. Soudain, saillie brutale, brève. Il s’éloigne lentement. Ur couvre plusieurs fois chaque vache. Dans les fonds que l’été n’a pas asséchés, les berces à graine verte sont aussi hautes et plus que le garrot des aurochs, les pieds que les bovins retirent de la vase y font un bruit de succion.
Je cours, je saute par dessus les barrières lisses et m’avance dans les herbages, je hume leurs odeurs mêlées, de fleurs qui passent, vase qui sèche, pelages chauffés sous le soleil. J’essaie d’approcher les vaches peu à peu, même je mugis sourdement, qu’elles m’entendent. Seins tant gonflés, j’y aperçois – rose la peau irisée de lumière – du lait tiède qui tombe sur l’herbe dès qu’un mouvement de sa cuisse, le sol où s’allonge la vache, pressent le pis, dont les trayons écartés se relèvent.
Les murs étaient couverts souvent de grandes photographies de femmes en robes transparentes et sans sous-vêtements, des sourires bouches entrouvertes, surfaces lisses vers le cou porteur d’un bijou pur, des femmes moulées de laine, la pointe visible des seins. Entre de longues chaussettes sur le genou et des culottes courtes en laine, juste une hauteur de cuisse mise à nu, à la fois douce et lourde. L’instant d’après il rencontrait une femme qui essayait le modèle photographié sur les pages des journaux affichés. Dans les yeux une certaine pudeur, mais aussi quelquefois l’intérêt pour son regard, il y avait peu d’hommes et le signe aperçu léger du coin d’une glace à trois pas pouvait aider au choix. Des femmes penchées sur les fesses d’autres jeunes femmes lentement levaient un ourlet le long des cuisses en suivant l’effet produit dans le miroir. Sans s’attarder sur hanches ou tailles qu’il avait d’abord entrevues, il courait aux visages. Il y croisait l’indifférence, l’étonnement parfois…
Pour continuer, prenez le chemin...