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VERDURE
Le temps qu'il fait, 2019.
165 pages, 140 x 190 mm.
4e de couverture :
Après avoir décrit sa campagne au fil de nombreux récits, Jean-Loup Trassard, à partir des années 1970, s’est inquiété, en plein remembrement administratif, de la destruction du bocage construit par des siècles d’agriculture. C’est donc une défense des ruisseaux, des arbres et des haies qui est proposée ici avec des textes publiés sur une quarantaine d’années dans diverses publications (du journal municipal au magazine national). Au fil du temps, ses préoccupations environnementales (comme il ne dit pas) vont se colorer d’une colère non dissimulée : qu’il n’y ait plus de grenouilles dans l’eau, ni d’oiseaux dans les arbres n’empêche aucun d’entre nous de vaquer à ses occupations… Continuons donc à tuer ces vies inutiles et à peler la Terre comme si elle n’était après tout qu’une pomme !
Extrait :
Pour que l’eau ruiselle - Mes instituteurs ont une maison à la sortie de leur village, derrière l’église, et la forêt comme horizon. Le maître d’école n’élève plus que des bœufs, mais avec le même soin. Il me fait visiter ses herbages attenants au jardin, approcher les quatre bœufs à l’engraissage, tourner autour des pommiers qui s’annoncent chargés. Nous parlons de la destruction des chardons, de la conservation des châtaignes, de la chèvre qu’il a fallu vendre parce que trop fatigante. Je pousse une barrière allégée par un contrepoids… une entaille, la laideur administrative, coupe à travers les herbes ! Depuis la petite route jusqu’au bas des prairies où sont les plantations de peupliers descend droit, à perte de vue, une rigole profonde d’un bon mètre à quoi son profil en V donne deux mètres de largeur. Sur chaque côté, des barbelés en interdisent l’accès. Je sais qu’une opération de remembrement afflige cette commune. On abat les arbres et les haies, on entoure les exploitations de ronces artificielles placées à 50 cm du fonds voisin (ainsi entre les fermes un fossé inutilisable d’un mètre de large, couloir de surveillance entre les barbelés d’un camp). J’apprends que le remembrement prétend gouverner aussi les ruisseaux ! Que dans une commune remembrée il n’y a plus un seul ruisseau originel ! Au lieu choisi par l’administration est creusé le plus droit possible, d’un diamètre égal du début à la fin, un caniveau qui est censé conduire les sources, pluies et petits cours d’eau le plus vite possible jusqu’à la rivière. Cet ouvrage, chacun doit l’entretenir, bien que les ronces artificielles empêchent le bétail de boire et qu’il soit interdit d’y ménager un abreuvoir. L’accélération, non seulement élimine tournants et cavités, écrevisses et vairons, mais fait que l’eau n’a plus le temps de pénétrer dans le sol; les puits en sont moins riches et les communes remembrées prioritaires pour les subventions nécessaires à l’extension de leur service des eaux ! Dans le caniveau que je découvre, ouvert à grands frais, occupant d’un barbelé à l’autre et sur toute sa longueur une surface considérable, il n’y a pas une goutte d’eau ! Cette absence qui crie à l’absurdité me réjouit : sur les plans on a dit que l’eau coulerait à cet endroit et l’eau ne veut pas, elle essaiera de frayer son chemin ailleurs. Mais ce n’est qu’une maigre consolation. Et que l’on ne vienne pas nous parler de passéisme ou de paysans braquant un fusil de chasse à la limite de leur champ pour empêcher le progrès d’entrer ! Les passéistes, qui s’ignorent mais font de grands dégâts, ce sont ceux qui continuent à croire que l’homme est là pour asservir la nature, qui assurent que c’est pour un mieux-être de tous alors que c’est pour le profit de quelques-uns, qui possèdent une notion partielle et partiale du rendement financier admis pour but unique et qui, avec un entrain communicatif (changez donc aussi votre voiture, votre machine à laver, votre tracteur), peuvent déclarer, comme le chef du bureau d’études de remembrement et de voirie au ministère de l’Agriculture et du développement rural (interview publiée dans la presse le 29 août 1973) : «On crée une nouvelle géographie rurale. Œuvre passionnante car on remodèle la campagne pour plusieurs siècles.» Si nous nous contentons d’envoyer une giclée d’encre à la face d’une telle imbécillité, croyez-vous que les ruisseaux et nous-mêmes pourrons continuer longtemps à suivre les méandres qui nous plaisent ?
JLT
Critique :