PETITE PROMENADE LITTÉRAIRE...
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Nous on les prendra rien qu’avec les pinces. Chacun son tour, parce qu’ils ne sont jamais pressés de se montrer. On maintient d’abord la tête du vaincu contre le sol avec une fourche à deux doigts qui passe sur le collet après les oreilles, ensuite on le lève par un crochet de fer entré sous la mâchoire du bas pour sortir sous la langue. Pas étonnant qu’il crie de façon épouvantable, le captif, quand on l’arrache à son logement, ça excite les chiens, moi je n’y tiens pas trop. Pareil quand on lui met les pinces au cou, elles ont des crocs qui rentrent dans la chair, et les branches des chaînes de sûreté. Il y en a qui passent de force un morceau de bois entre ses mâchoires et les referment dessus serrées par de la ficelle, alors on l’enfourne entier dans un sac pour que les chiens s’amusent de lui et le déchirent dans une cour fermée…
C’est le principe du trébuchet, un lacs prend le gibier à la patte, le cordon libère le ressort, la perche courbée se détend. Gaur l’a choisie pour un poids d’homme. Le second n’a pas perdu son casque de cuir, sans doute qu’il est tondu dessous comme celui qui vocifère. De temps à autre ils écartent les bras telle volaille pendue par les pattes qui bat des ailes. Pek s’en retourne, Gaur reste garder les prisonniers, l’arc bien en main, silencieux il écoute les bruits, rien que la huppe qui répète. Gaur surveille les branches, les cuirs, les secousses. L’un puis l’autre le voient passer, tourner, essaient de le suivre des yeux. Je m’étais demandé s’il leur plantait une flèche ou deux dans le ventre, mais finalement je ne crois pas. Gaur se cache : la flèche acérée sera pour celui qui viendra les décrocher.
À chaque retour de la menace celle-ci lui avait été annoncée, d’abord, par une sorte d’émotion au tréfonds de son corps : avant que les harts ne fussent dénouées, avant même que le tumulte n’entrât sous les bois, comme si l’air de la course déjà s’insinuait dans les trompes ou les cors, il en recevait le murmure et tressaillait. D’avoir été une fois cette bête aux flancs enfoncés de peur, en revient-on jamais ? Cela volait invisible sur les campagnes, sautait fossés hâris perrières, blanchissait parmi les bouleaux, s’égaillait ou se groupait selon la densité des arbres, écrasait les pommes acerbes, pliait les branches, détachait les feuilles ultimes. D’années en années la troupe s’était accrue, munie de tranchants infaillibles, qui, à nouveau levée contre lui, harassait la forêt.
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