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PAROLES DE LAINE
récits. Gallimard, coll. L'Imaginaire (n° 210), 1989. 224 pages, 125 x 190 mm.
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PAROLES DE LAINE
récits. Gallimard, coll. Le Chemin, 1969. 224 pages, 140 x 205 mm.
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Aucune référence à la culture ici, les mots sont en contact avec les matériaux naturels et veulent amener sur le papier le poids des pierres, le lait des plantes, l’odeur de la farine.
Ces nouvelles font en effet une large place à la sensualité et pas seulement quand une fille se prend d’amitié pour le taureau de la ferme ou quand un homme détaille un corps de femme à travers le rouge des vins, mais d’une façon diffuse, non moins certaine, dans plusieurs autres récits. Car ces personnages solitaires découvrent parfois en eux-mêmes un abîme qui leur semble étranger, mais plus souvent encore ils s’appliquent à déchiffrer les signes dont la connaissance – par le toucher et l’odorat – permettent à l’homme peu à peu de s’enraciner dans la terre, en espérant s’y protéger de la mort. Grâce aux repères qu’il entretient entre les parfums, entre le râpeux et l’humide, entre les différentes qualités d’ombre, l’être lentement creuse ses galeries d’existence. Conscients que leur condition d’homme peut regretter les autres règnes, certains iront jusqu’à souhaiter une fusion avec les éléments.
JLT
Sommaire :
- Paroles de laine
- Aux laisses de la mer
- Écorces recousues
- Écho spiral
- Le reflet
- Noctuelle
- Pâques noires
- Le tempestiaire
- Taurides
- La maison de famille des Araliacées
- Le pourrissoir
- Hors des lies
- La queuepercée
Aperçu :
Je peux vous dire qu’en mai il y avait des œillets ici, des petits œillets roses dont la fleur éclate sur le côté. « Ils n’y sont plus, Monsieur, je ne les ai jamais vus. » Je sais aussi que les baies du laurier-palme tachent le bec des merles en automne. Et se réveillent en moi tous les objets qui sont derrière les murs. Un à un ils sortent de la nuit ancienne où j’ignorais leur présence. « Puisque je vous affirme que je suis Monsieur Paul, pourquoi ne pas me croire ? » « Vous avez peut-être connu la maison, Monsieur, je ne dis pas… Monsieur Paul était plutôt brun, je m’en souviens. Vous, Monsieur, vous avez les cheveux gris à présent, c’est l’âge bien sûr, seulement on ne peut pas savoir. » Une eau croupie depuis vingt ans aurait conservé mon visage, m’aurait fait peur. Mais les bassins sont abreuvés de pluie.
Extrait d'Écorce recousue
Critique :
- Claude Dourguin, Recueil n° 14, mars 1990 :
Exceptionnelle singularité de Jean-Loup Trassard… jointe à l’attention de l’esprit, à la finesse d’observation, à la susceptibilité du corps, cette alliance réussie d’un homme de la terre, le restant, et d’un écrivain, car ce vécu très approfondi, multiple, est bien sûr reconstruit en littérature, la marque littéraire est là, omniprésente, dans le travail de l’écriture – rien de moins ingénu que la phrase de Trassard, avec ses ruptures, ses ellipses –, dans la voix, dans la science de la composition – le léger déséquilibre, l’appel d’air des portes ouvertes.
- Pierre Descamps, « Règnes des éléments », La Feuille de Valenciennes (Belgique), 13 mai 1989.
- Georges Anex, « Le regard révélateur », Le Journal de Genève, 2 mai 1970.
- Claude-Michel Cluny, « Les mots fertiles », Les Lettres Françaises, 20 août 1969 :
Que les mots recèlent un pouvoir magique, et qu’il appartienne à quelques uns de connaître les secrets de ce pouvoir, de faire naître un univers de la page, de nous envoûter, de nous amener, par la lecture, à ne plus rien voir ni entendre que ce que les mots nous disent et nous montrent, ce livre encore une fois nous le prouve.
- François Bott, Le Monde, 12 juillet 1969 :
Trassard est un des jeunes écrivains français les plus originaux. Il invente un monde et une écriture étranges, qui d’abord déconcertent, mais ensuite joue sur le lecteur un charme de sorcier. L’auteur se promène dans les mots comme dans un jardin sauvage qu’il domestique.
- François Nourrissier, Les Nouvelles Littéraires, 3 juillet 1969 :
Chacun des récits rassemblés ici est donc, en soi, une surprise et une réussite. Tout au plus regrettera-t-on, à la lecture, que l’exubérance verbale, les inépuisables descriptions de la nature, la virtuosité de l’auteur et son vaste vocabulaire, entraînent un certain ennui. C’est très bien – c’est un peu long. J’ai honte de le dire, il arrive que la bonne littérature soit un peu fastidieuse.
- Daniel Wilhelm, « Quatre langages irréguliers », La Feuille d’avis de Lausanne, 8 octobre 1969 :
Trassard a dû sentir qu’il y avait dans la composition romanesque l’équivalent d’une prosodie. Sa manière (admirable) de raconter (enroulement autour d’un thème, d’une image, d’un bruit, longues périodes fuguées du récitatif) force le réel à se révéler…
- Jacques de Ricaumont, Combat, 11 septembre 1969.
- Claude Bonnefoy, « Les replis du terrain », La Quinzaine littéraire n° 78, 1er septembre 1969 :
Paroles de laine nous propose une lecture sensuelle du monde. Lecture primitive et savante qui derrière le signe perçoit le secret.
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Jacques Pierre Amette, « Paroles de laine », La Nouvelle Revue Française, n° 200, août 1969, p. 299-300.
- André Miguel, « La fusion avec la nature », Beaux-Arts (Bruxelles), 28 juin 1969 :
Le charme incomparable de ce livre est qu’il donne à voir, à sentir, les choses les plus immédiates mais aussi les plus fugitives, et qui pourtant forment le fond savoureux de la vie.
- Robert Kanters, « Paroles de laine, esprit de vérité », Le Figaro Littéraire, 23 juin 1969 :
La vision du monde de M. Jean-Loup Trassard existe donc avec beaucoup de force, de cohérence et d’originalité. C’est pourtant ici qu’on pourrait reprendre le reproche de timidité. Il reste l’auteur des textes très courts, des récits de dix ou quinze pages en général. La longueur ne fait rien à l’affaire : mais il me semble qu’il est armé pour un travail un peu suivi et un peu plus ambitieux.
- Matthieu Galey, « Des paroles venues du fond des cavernes », L’Express, 16 juin 1969 :
En dix ans ou presque, Trassard n’a publié que trois livres ; ils sont de ceux que l’on n’oublie pas. Chaque phrase y est pesée avec la précision économe d’un poète, qui ramasse en quelques mots images et sensations.
Traductions :
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Le pourrissoir a été publié en russe (traduction de Tamara Balachova) dans La Nouvelle française de 1970 à 1995 (sous-titre français), Moscou, 1999, p. 249-256.
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Écorces recousues a été publié en danois (traduction de Bibba Jorgen Jensen) :
« Hjemkomst », in Karl Gustav Bjurström (dir.), Noveller Fra Frankrig, Glydendals, 1972, p. 259-266.
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Aux laisses de la mer a été publié en anglais :
« At the fringe of the sea », in Simon Watson Taylor (ed.), French writing today, Penguin Books, 1968, p. 292-298.