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L'ANCOLIE
nouvelles. Gallimard, coll. L’Imaginaire (n° 578), 2009. 238 pages, 125 x 190 mm.
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L'ANCOLIE
nouvelles. Gallimard, coll. Le Chemin, 1975. 232 pages, 118 x 185 mm.
Prix des Critiques 1975.
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4e de couverture :
Les récits présentés ici m’ont aidé à faire affleurer, avec son poids et sa durée, une épaisseur de terre où s’enracine l’arbre sur lequel n’a cessé de tirer une balançoire, où rôde encore le mythe des loups, où de vieux pièges se ferment sur une poignée de neige. La maison d’enfance y est le centre d’un cercle qui va s’élargissant : les fermes demeurent tapies dans les écarts et les chemins s’effacent dont l’encre cherche à retrouver la pente. Au fond du sabot que façonnent les mots s’ouvrent des étangs peu éclairés, une immense forêt où des temps encore plus anciens se tiennent cachés. L’ancolie fleurissait toujours sous un même pommier, dans un seul petit pré. Chaque année nous rendions visite à ce point bleu de l’espace. L’un des ancrages où tient le temps de maintenant est la verticalité de cette tige, aussi fine que tendue.
JLT
Sommaire :
- Les patiences du bord de l’eau
- Reconnaissance des dehors et des dedans d’une forêt
- Le cerceau de bois
- Un miroir des ornières
- Harloup
- D’un fût gélif
- L’ancolie
- Nos murs hourdés de terre
- Canada
Aperçu :
Depuis quelques années déjà l’on disait qu’il n’y avait plus de saisons. Une fois encore, dès juillet, après un printemps plutôt sec, l’été s’était pourri. Nombreux ceux qui toussaient, cela traînait sans s’aggraver, sans jamais cesser. Les grippes se répandaient. C’est que même si au matin le temps était clair, en chauffant le soleil faisait monter une buée qui finissait par éponger une part de la lumière. Et certains jours, près des étangs surtout, la brume était là dans l’aube.
Les fermiers ne quittaient pas leurs sabots mais ils en avaient des blessures. Les dernières cerises noires moisissaient sur les branches, un jus violet tombait dans l’herbe et les échelles se balançaient oubliées contre les arbres. Moite, voilà le temps. Ainsi pouvait-elle bien se promener nue ou presque sans risquer d’avoir vraiment froid.
Extrait de Les Patiences du bord de l'eau
Critique :
- Gil Jouanard, Action Poétique, décembre 1975.
- Jean-Luc Douin, Télérama, 11 octobre 1975.
- René Tavernier, Le Progrès de Lyon, 29 septembre 1975.
- Denise Dubois-Jallais, « Il est encore temps de cueillir l’ancolie », Elle, 8 septembre 1975 :
Il y a façon et façon de parler de nature. Ici, comment dire, la nature est plus vraie que nature, par le seul pouvoir des mots. Elle est intacte. Elle a la respiration profonde montée du sous-sol avec les âges.
- Philippe Jaccottet, La Nouvelle Revue Française, n° 271, juillet 1975, p. 85-86 :
Là où Jean-Loup Trassard touche au plus vif, au plus secret de lui-même : quand il évoque, admirablement, la maison d’enfance ou le village qui attend la neige, échappant aux maniérismes qui parfois le guettent, il atteint la vraie merveille.
- Diane de Margerie « La vie au creux des choses », Les Nouvelles Littéraires, 23 Juin 1975 :
Il faut aussi dire le côté merveilleusement achevé de ces textes, la beauté des titres qui font corps avec le récit, la joie du terme précis, concret, qui reste à redécouvrir comme ces signes de la nature qu’il faut écouter dans le silence pour être digne de les surprendre, tout cela qui fait de la voix de Trassard une voix qui demeure…
- Hubert Juin, « Le Prix des Critiques : Jean-Loup Trassard ou le discours de la nature », Le Monde, 13 juin 1975 :
Jean-Loup Trassard est un écrivain doué d’un indéniable phrasé. Il appartient à ceux que l’on reconnaît à l’oreille, tant il a perfectionné, élaboré, un style qui n’est qu’à lui.
- Claude Bonnefoy « Le prix des critiques à Jean-Loup Trassard », Le Quotidien de Paris, 11 juin 1975 :
… les mots deviennent graines ou sève, les phrases poussent leurs racines et leurs branches, le récit se fait forêt, plaine enneigée, glaise lourde, déroule les chemins, les paysages autour de la ferme, répète les longues attentes hivernales, transforme toutes les histoires de loup en une seule et vieille hantise.
- Georges Anex, « Un univers paysan », Le Journal de Genève, 26 avril 1975 :
Comment donner à voir et à entendre la manière intense de cette écriture, son grain serré, son allure retenue et contemplative, sa précision, sa lenteur ?
Traduction :
La nouvelle D'un fût gélif est parue dans une traduction russe en 1988.